Une fois assurée d’avoir fait suffisamment de progrès linguistiques auprès de mon initiateur gratuit, je pris donc mes cliques et mes claques pour traverser le pays de Cork à Sligo, en stop. Je fis le voyage jusqu’à une grande librairie de Paris pour m’y équiper de 4 cartes détaillées « Bartholomew » au « quater inch » couvrant le territoire convoité, un ravissement pour l’œil d’où aucun misérable chemin ne semble absent, ce qui laisse le temps de se distraire en attendant une voiture, surtout en juillet 1976 où le temps était fort plaisant.
La troisième fois, j’amenais ma petite sœur pour lui faire découvrir ce lieu idyllique, et passait une folle nuit avec Hans, un musicien bavarois ressemblant à Dürer, dès notre première étape… Pour le voir disparaître par le premier bateau peu après, dans un adieu voluptueux.
Il s’écoula quelques années avant la quatrième fois qui m’y emmena au sein d’un groupe de « randonnée accompagnée », une gageure, comme je le constatai très vite, dans un pays depuis peu ouvert au confort, mais démuni de tout aménagement rural concernant l’approche de ses paysages et encore moins leur traversée. L’agence nous avait appâtés, nous avions payé et le « guide » faisait ce qu’il pouvait pour ne pas nous perdre quand il savait lui-même où il se trouvait… Quant aux repas, nous découvrîmes l’étendue des marques de conserve de légumes et autres poissons avant de revenir avec un appétit d’ogre, faute d’avoir cédé à la tendance anthropophage qui aurait pu nous ressouder les derniers jours en réglant la mutinerie sous-jacente…
Ce qu’il m’apparût alors de l’Irlande ne me plut généralement pas ; voitures et de maisons neuves y surgissaient en même temps que nous étions devenus les « étrangers porte-monnaie », au contraire de ce que j’y avais vécu lors de mes précédentes incursions.
En parcourant le livre de Pete Mac Carthy « l’Irlande dans un verre », je retrouve avec plaisir une partie des itinéraires et impressions restés dans ma mémoire -le bonheur du Mayo et de ses paysages désertiques autant que l’horreur touristique de Killarney, le seul endroit où je n’avais jamais vu autant de voitures me dépassant sous la pluie sans s’arrêter (si, il y a la Corse aussi ; pourtant ai-je vraiment l’air d’une dangereuse terroriste sans ma cagoule ?).
Bon, je vais bientôt refermer ce livre avec regret et l’envie d’aller boire « half a pint of lager » au pub du coin avec cet écrivain génial. En attendant, "Que Dieu vous protège !".