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Titre du blog : courrédjole à l'Ayrolle
Auteur : lataraillettealn
Date de création : 12-05-2008
 
posté le 16-08-2012 à 04:03:35

Homme, terre inconnue

J’étais en admiration devant son cou, ses épaules, son menton, sa bouche. Je n’aimais pas ses yeux, souvent froids et perçants, inquisiteurs indiscrets d’une vie qui ne les regardait pas. J’aurais voulu me lotir simplement dans ce torse accueillant, partager avec lui le non-dit de mes réticences (ses jambes grêles et noueuses, son sexe trop petit démesurément gonflé d’emblée) et l’envie que j’avais de les dépasser sans heurt, à force de jouissance langoureuse avec tout ce qui m’attirait dans le haut de son corps. Dès le premier soir, nos incompatibilités se sont révélées ; allongés côte à côte, rien ne semblait pouvoir nous réunir. Lorsque, lasse de cet immobilisme, je me préoccupais de lui, parcourant sa peau sous des doigts qui se voulaient caressants, je ne percevais aucun signe particulier, comme si l’homme qui se trouvait sous ma main ne ressentait rien. D’ailleurs, il me réclamait plus, prétextant que son côté féminin lui octroyait cet avantage. J’étais désarçonnée, le houspillant pour qu’il s’insurge, se redresse et me montre combien il me voulait. Un fiasco épuisant d’insatisfaction mutuelle, encore augmenté par la séparation de nos couches avec ses ronflements insupportables.

Pourquoi, ensuite, n’ai-je pu me résoudre à cette antinomie évidente ? Il me faisait rire, me courtisait de bons mots, m’entrainait dans un tourbillon tentant. Nos 6 années de fréquentation n’ont jamais pu nous rendre intimes. Je redoutais ses colères, très vite. Il craignait mes incertitudes chroniques. Je détestais qu’il me possède et lui défendais de me toucher ainsi. Je rêvais qu’il me convoite à la manière d’un lent et patient voyage, plus avide du chemin parcouru que du but avoué. Ce ne fut jamais le cas. Nos baisers furtifs n’allèrent jamais plus loin qu’un témoin anodin pendant que nous nous enfermions l’un l’autre dans un retrait distant, blessés tant qu’ enchaînés par cet amour déjà perdu.  Avec le temps, je devins « frigide » ; ce qu’il claironnait avec acrimonie lorsque d’autres nous montraient sans vergogne leur sensualité. Chacun des hommes que j’avais pu rencontrer (et dont il ne connaissait rien) devenait pour lui source de jalousie. De mon côté, j’étais rentrée en hiver, corps et âme, me réduisant à bien moins que ce que je pouvais être, maudissant cet impossible lien et le triste retour qu’il me jetait au vent.

Je suis partie, l’ai quitté par nécessité. Ma liberté est devenue transparence, aucun homme depuis ne m’ayant rejoint. L’hiver a d’autres visages, dirait-on...

 

Dans le jardin de Françoise...

 

 

Dans mon jardin