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Titre du blog : courrédjole à l'Ayrolle
Auteur : lataraillettealn
Date de création : 12-05-2008
 
posté le 20-03-2014 à 01:11:48

« La dernière maison…"

« La dernière maison au bout du chemin ; c’est celle-là ! ». Je n’étais même pas sure de la trouver et pour cause ; j’avais bien pris la route indiquée au départ de chez moi : une allée à sens unique serpentant entre les toits divers, tantôt groupés, tantôt perdus au cœur d’une étendue verte et pentue, toujours plus dissimulés à ma vue au fur et à mesure de ma progression.

 

Au "cap de vignes" (l’inscription de la dernière maison du haut), j’ai eu un doute : trois chemins s’offraient à mon choix sans aucune destination précise. J’ai d’abord emprunté celui de gauche, une trace terreuse à l’abri du soleil trop présent sur ma peau…pour rebrousser chemin à peine plus loin, freinée par les indices frais d’un passage de sangliers.
 

 

La piste du milieu, carrossable, descendait la forêt entre ronces et genêts, résonnant d’une eau claire coulant un peu plus bas. Je m’approchai du grand mas lumineux surplombant le vallon puis me dirigeai vers l’entrée nord, dans l’espoir d’y confirmer ma destination. Sur la grande porte de bois, une main à collerette, le heurtoir traditionnel, voisinait avec un carillon éolien au son cristallin que je choisis pour m’annoncer. Un joli siamois vint me saluer tandis que je guettais le silence durant quelques minutes. Personne !

 

Je contournai la demeure aux fenêtres grandes ouvertes côté sud, parsemée des signes d’une vie éparse et morcelée subitement abandonnée ; quelques cadres de ruche, un bain de soleil, une cabane en bois où s’encadrait la tête d’un chat noir me fixant de ses yeux jaunes. Au bord d’une petite mare, un alignement d’arrosoirs en fer blanc semblait garder non sans humour ce monde enchanté, dont je m’éloignai à regret.

 

 

 Juste derrière, un buisson de corètes du Japon jouxtait un bâtiment en mauvais état ; sans doute un logis annexe pour le personnel du nom que je découvrai maintenant sur la boîte aux lettres en comprenant subitement où je me trouvais. C’est là que mes anciens voisins, Raymond et Jeanine avaient vécu et travaillé toute leur vie avant d’être prestement «rendus à la ville», à plus 80 ans, par les nouveaux propriétaires, un jeune couple un peu sauvage.

Le chemin retournait dans l’ombre un moment avant de me projeter en pleine lumière vers la maison suivante perchée et silencieuse où je me hissais sans hâte, 600 mètres plus loin. En haut de l’escalier, d’autres pierres encore et la surprise d’un bâtiment en construction, neuf et blanc, où j’aperçois enfin une ombre humaine ! Bizarre, j’ai l’impression qu’elle se cache derrière un pilier dès qu’elle m’a vue !!! Tant pis j’insiste et frappe à la porte vitrée. L’ombre se détache et me fais signe de la rejoindre par une autre entrée pour cause de peinture fraîche. Nous échangeons peu de mots car je suis arrivée à destination, mon interlocutrice connaissant bien l'hôte à qui je rends ma première visite.

Josie a 82 ans et nous avons sympathisé « à la gym ». Elle a l’air d’une jeune fille, alerte et passionnée, parcourant son monde en 2CV en m’expliquant sa vie d’artiste et de céramiste. Veuve depuis 7 ans maintenant, elle était l’épouse d’un graveur connu avec qui elle a été mariée 60 ans. «Quand j’ai su qu’il ne savait pas danser, j’ai hésité à l’épouser» m’avoue-t-elle. Je souris à ces mots que j'aurais pu prononcer.

Et puis elle m’explique son chemin, leur chemin indissociablement lié, de Paris aux Cévennes, en passant par Madrid à la Casa de Velázquez. Une ancienne grange de 200 m2 aujourd’hui désertée, abrite les plus belles pièces de mon hôte, au goût sobre et raffiné, dont je comprends le succès auprès d’acheteurs japonais. Dans son atelier, des œuvres d’enfants, inventives ou naïves, trônent en bonne place au milieu des multiples ingrédients qui composeront l’émail, cet émail qui "est plus beau s'il cuit lentement".

Il fait nuit quand je rentre et je n’ai pas vu le temps passer. Je me sens calme, reposée et ça tombe bien  parce que tout compte fait, ce maudit tiroir enfin fini en 15 h de travail ne me rapportera que... 30€ !

 

Mais dis donc, c’est moins que le SMIC ça (2€ de l’heure !) !!!

 

Commentaires

lataraillettealn le 23-03-2014 à 20:13:49
N'est-ce pas ? Il appartenait à une famille riche, d'où les grandes fenêtres, plutôt rares dans la plupart des maisons cévenoles.
HélèneM le 21-03-2014 à 23:40:28
Quelle merveille ce mas sur la photo ...