J'ai voulu avec ce titre pouvoir continuer à parler de ce lieu auquel j'ai consacré 4 années de ma vie et qui m'est aujourd'hui interdit par celui à qui je l'ai fait découvrir et à qui j'avais alors donné ma confiance sans penser qu'il pourrait en abuser.
La Taraillette A.L.N est le nom du premier blog décrivant notre aventure commune sur le prêt d'un terrain de 6 hectares en bois taillis dont 1500 m2 immédiatement cultivables.
Le "Brion" qui longe et arrose le jardin et mon magnolia
La côtisation solidaire (étant donné la petite surface travaillée) ne peut être attribuée qu'à un des deux et donc le prêt idem. Nous ne sommes pas mariés et n'habitons pas sous le même toît. J'imagine qu'au regard de la M.S.A. et au vu de la configuration du terrain, le seul interlocuteur plausible sera un homme... donc le contrat de prêt (que j'ai rédigé entièrement seule) et la déclaration de l'activité agricole seront mises au nom de Vincent...
Je suis par ailleurs propriétaire de tout le matériel nécessaire (30 000 €) pour démarrer l'activité, dont le véhicule 4x4, et finance seule les 6 premiers mois de trésorerie.
Nous travaillons beaucoup tous deux pour remettre en état une terre délaissée depuis 25 ans. Terrassement, drainage, éclaircissage, nettoyage, amendement, installations des abris, des serres, aménagement d'une caravane, d'une chambre fraîche, d'une douche, puis d'une pergola, plantation de cerisiers, amandiers, abricotiers, mûriers, vignes, framboisiers, pommiers, poiriers, pruniers, noisetiers, eucalyptus, saule pleureur, magnolia, pivoines arbustives, corêtes et cognassiers du japon, osiers (7 variétés), saules tortueux, crevettes, cornouilliers sanguins...
Hiver 2006 Printemps 2005
Je communique avec d'autres passionnés de jardin sur le net et commence à échanger graines et boutures. Je passe une annonce sur le WWOOF et héberge nos premiers stagiaires (Claire et Erinn) en 2006, puis Sarah et Naomi en 2007.
Cela ne me dérange pas : j'aime faire de nouvelles rencontres et partager mon espace. Je m'enrichis de ces contacts et apprécie leur présence.
Les repas sont l'occasion d'échanges culinaires et les conversations en anglais m'obligent à réfléchir. Pour moi, ces "volontaires" bénévoles sont à respecter avant tout : pour leur générosité, pour leur motivation à nous aider. Nous avons un contrat pour "fonctionner" ensemble. Mais le plaisir d'y être me semble le plus important. En tous cas, je n'ai qu'à me réjouir de ces rencontres !
Juillet 2006 : Erinn et la gym du matin...
Avril 2007
Naomi peignant les "vrais" oeufs de Pâques qui seront cachés dans le jardinPour Vincent, c'est différent; il semble embarassé de ces nouvelles recrues tout en en reconnaissant l'utilité ; l'excitation de la rencontre et l'intérêt d'un échange débordant ce cadre ne semblent pas l'interpeller et je me "bats" souvent avec lui pour qu'il s'en préoccupe et ne considère pas cette main d'oeuvre comme un unique avantage économique, à qui l'on pourrait demander tout ou n'importe quoi...
Octobre 2007 ; Christian est venu m'aider à tailler et attacher les cerisiers. J'ai passé du blanc et déjà taillé tous les autres fruitiers, mais ces deux là m'intimident !!!
CHAPITRE 2
Depuis le début de notre activité, je me sens tiraillée entre le désir de continuer et celui d'être "indépendante". Le fait de travailler sans statut officiel me pèse car ce n'est pas ce que je visais au départ. Une des solutions serait que nous soyons mariés et donc ayons la même adresse, afin que je puisse prendre le statut de conjoint collaborateur. Je ne peux obtenir ce confort, Vincent me le refusant.
L'autre serait de changer de nom sur le contrat passé avec le propriétaire du terrain puis auprès de la M.S.A. ; mais cette option ne me satisfait pas puisqu'elle ne ferait que renverser la situation en laissant toujours dans l'ombre l'un de nous deux...
En décembre 2005 déjà, j'envisage de me dissocier de notre activité de production en gardant une parcelle de terre pour mes osiers et un jardin personnel. Cela pose plusieurs problèmes : le rachat du matériel par Vincent, les revenus de l'activité ne permettant pas ce financement même sur plusieurs années. Le fait aussi qu'il se retrouve seul là où nous étions partis à 2 et où il y a du travail pour 4 au moins !
Je me sens coincée et fautive ; la réaction de Vincent m'accuse de le mettre dans le pétrin et je ne me supporte pas ainsi.
Je décide donc de "persévérer" en me donnant un peu plus de temps pour appréhender l'évolution de notre entreprise...
CHAPITRE 3
Fin 2006, le bilan de la saison est plutôt favorable : notre clientèle se fidélise attirée par la diversité, l'originalité et la qualité de nos produits. La beauté du stand est un autre critère qui nous vaut régulièrement des compliments.
Alors pourquoi je suis partie ???
Je m'étais donnée un délai : pour mes 50 ans, où ça passait où... NON !
J'aimais Vincent mais nous n'avions plus de couple. D'ailleurs, il l'avait confondu avec le jardin et j'étais en train de le suivre tout en me disant intérieurement que ça ne collait pas avec ce que je voulais.
Et puis j'avais une autre idée aussi de ce que je voulais vivre au jardin : un rythme production-transformation-commercialisation plus réparti sur l'année, arrêter aussi de nettoyer et ranger tout ce qu'il laissait traîner pour me faire ma place au boulot, la reconnaissance officielle de mon activité et de mes investissements, systématiquement sous-estimés par Monsieur... Bref tout ce que j'avais fini par supporter de sa part et qui ne faisait que s'alourdir m'était devenu soudain intolérable.
J'ai pris les devants le 2 avril 2007 ; ce n'était pas ma première tentative et de l'extérieur ça ne se voyait guère car nous avions pu glisser sur un mode relativement tendre et courtois... jusqu'à mon entorse du 7 juin !
Fleurs de mûriers
Ci-dessous seront plantés plus de 300 nouveaux pieds de fraise (ciflorette et mara des bois)
Coup d'oeil aux tomates en passant et regard sur les 400 pieds d'osier
Là, j'ai retrouvé la violence de celui qui ne pouvait plus m'utiliser. Comme en mai 2005, lorsque j'avais failli perdre mon fils dans un accident de voiture... et que j'allais voir régulièrement ce "petit con" au centre de rééducation où il resta pendant 2 mois, tout en faisant des pieds et des mains pour qu'il puisse passer son bac et retrouver son contrat d'apprentissage avec l'entrée en IUT en septembre suivant ...
Durant cette période, je fus touchée par de nombreux témoignages de gens que je croisais dans le village sans plus les connaître. Je les remercie encore aujourd'hui d'avoir été là sans s'imaginer à quel point leur soutien pouvait me réconforter...
Je suis quand même venue travailler avec mes béquilles et une copine entre SMS et mails plus haineux et dénigrants les uns que les autres de la part de mon "collaborateur" et ex-conjoint !!!
CHAPITRE 4
"Le temps est le maître de celui qui n'a pas le temps"
Après une rencontre plutôt explosive au café du coin où la rupture définitive fut prononcée, je rentrais chez moi effondrée et complètement désorientée. Quitter Vincent n'était déjà pas facile, mais le jardin encore moins !!! Comment avais-je pu en arriver là ?
Comment avions nous pu en arriver là, avec tous ces moments de complicité joyeuse que nous avions eu ensemble ??? ...
C'est vrai : nous avons beaucoup ri ensemble et... j'ai souvent pleuré aussi, désemparée par nos "disputes" récidivantes dûes à des incompatibilités profondes que je voulais minimiser par trop d'attachement.
Aujourd'hui je réalise que ce n'était pas tant le but à atteindre mais les moyens d'y parvenir qui nous séparaient : le sens du chemin...
Juillet 2007, ipomées et glaïeuls fleurissent sans souci...
CHAPITRE 5
Je suis partie, comme prévu, 2 semaines, en m'arrangeant pour me faire remplacer afin que Vincent n'aie pas de surcroît de travail. Je voulais faire la paix avec moi-même et je me mettais dans les conditions pour cela, avec la reconnaissance et la méditation, prenant l'habitude de bénir l'autre dans ce qu'il avait de meilleur en toutes circonstances.
Mais mon absence fait tourner les langues... et je ne trouve à mon retour qu'un climat hostile et agressif de la part de ceux là même qui m'avaient encouragé à m'évader pour relâcher la tension ! Un couple d'"amis", que nous fréquentons presque quotidiennement depuis quelques mois, m'accuse violemment de porter toute la responsabilité du "naufrage" en cours et l'attitude complaisante de Vincent à leur égard me fragilise encore plus.
Sur le point de me décourager, je décide pourtant de terminer la saison, seul moment de l'année où rentre l'argent de notre travail. Après quoi, il faudra aviser. Quitter cet endroit auquel j'ai tant donné sonne comme une aberration et je chercherai durant tout l'été un compromis viable pour y rester, malgré l'évidente réticence de Vincent. Tout accueil étant exclu dans ces conditions, nous nous retrouvons pour la première fois seuls pour gérer la saison avec 3 marchés par semaine et toute la production... Je suis terriblement angoissée. Comment abandonner tout ce que j'aime ici, tout ce que j'y ai construit et qui a rempli ma vie ces 4 dernières années ?
bleuets et cosmos
CHAPITRE 6
Fin octobre, je constate la disparition des graines stockées au terrain, dont la plupart proviennent d'échanges que j'ai réalisés sur le net, les autres ayant été achetées en commun. D'autres objets m'appartenant ou étant propriété commune ont été emportés par Vincent et je les lui réclame... sans résultat. Je me sens coincée, ne pouvant emporter tout mon matériel du jour au lendemain et sachant que si je commence à le faire, il revendiquera probablement le jardin comme son seul territoire en arguant du fait qu'il en est l'unique emprunteur officiel désigné...
En attendant, le vol de mes graines est celui qui m'affecte le plus : il y en a plus de cent soixante et ce sont des variétés peu courantes... symboliquement, c'est déjà me déposséder en se l'appropriant de ce qui m'est le plus cher : mon travail, mon temps, mon énergie, ma participation à la beauté et la diversité de notre étal...
CHAPITRE 7
J'ai arrêté les marchés fin août. Vincent continue jusqu'à la mi-septembre, utilisant sans vergogne mon matériel et les produits communs pour son seul bénéfice. Il transforme des fruits et légumes en surplus congelés dans sa cave (faute de place chez moi) pour la foire de novembre. Que nous les ayons produit et ramassé en partie à 2 ne l'interpelle pas assez pour en partager les revenus. Mes remarques à ce sujet ne le font pas changer d'attitude et je me sens impuissante à l'affronter autrement.
A 1000 kms de là, mon frère et ma belle-soeur tentent de nous aider à une conciliation. Ils ont de l'amitié pour Vincent et sont loin d'imaginer la violence de ses procédés. A entendre ce dernier, qui sollicite aussi l'approbation de mon père dans mon dos, ma famille estimerait normal qu'il reprenne à son compte une partie de mon investissement...
CHAPITRE 8
Plus le temps passe et plus je "balise" : que faire de tout ce que j'ai là haut et que je ne peux démonter ou transporter seule ?
Je commence à mettre des annonces pour me débarasser de ce qui ne nous sert plus déjà depuis un moment. La débroussailleuse à roues, le broyeur, la mini-bineuse... qui ne sont plus en aussi bon état, faute de soins et refusent parfois de démarrer.
Fin novembre, j'ai pu aller reprendre quelques un de mes outils stockés dans la cave de Vincent, mais n'y trouve pas tout ce qui devrait y être et qu'il ne me rend décidément pas. Je ne comprends pas son acharnement à vouloir me piéger. De guerre lasse, je finis par accepter verbalement de lui céder la plus grande partie de mon matériel sur le terrain pour ne pas avoir à m'en occuper, juste avant son départ pour un mois en Belgique.
Je fais une fixation sur mes graines qu'il ne m'a toujours pas rapportées malgré mon insitance et ses promesses et en son absence retourne chez lui avec la ferme intention de les récupérer ; mais il a changé toutes les serrures, sachant que j'avais le double de ses clés ! Pas moyen pour moi de me faire justice ! Je suis furieuse et ce d'autant plus que je m'apprête à lui cèder mon matériel à bien moins que sa valeur marchande !
Je décide d'aller signaler ce vol à la gendarmerie, mais ils ne prendront aucune déposition malgré ma liste conséquente, ramenant ce délit à un simple conflit de couple !!!
Qu'à cela ne tienne, je suis suffisamment remontée pour désormais prendre les mesures qui s'imposent ! Durant ce mois de décembre, entre neige et soleil, je trouverai l'aide et l'énergie nécessaire pour démonter, transporter, stocker et vendre les 2/3 de mes biens ! Solidarité bénévole et imprévue ; des rencontres qui m'ouvrent sur d'autres amitiés. Je revis !
Vincent, prévenu et fou de rage, envoie les gendarmes sur le terrain où je démonte mes serres. Sur un simple coup de fil (il est à l'étranger), ils se sont déplacés !!! Ils relèvent les noms et adresses des personnes présentes et me parlent d'un dépot de plainte de la part de mon ex !
Bien plus tard j'en apprendrai les motifs : plainte pour violation de territoire et pour vol...
J'emporte aussi une partie de ce que nous avons acheté ensemble et laisse tout ce que je ne peux emmener (toutes sortes de plants et des arbres fruitiers) où n'ai pas le temps de reprendre avant son retour début janvier.
Il lui reste la totalité de l'irrigation (cuves, tuyauterie vannes, filtres, programmateurs, raccords etc.), le plus grand des abris tôlés où se trouve la chambre fraîche, la "mini"-serre, des emballages, outils, traitements, le mobilier, les ruches, combinaisons et matériels apicoles... ma façon de le protéger encore en me donnant bonne conscience !
la mini-serre de 7m x 3m le plus grand des abris
Le tout estimé à 10 000 euros, non compris tout ce dont je n'ai pas la liste facturé à son nom bien que payé à 2 et qui lui servira de base pour m'accuser de vol !!! Quant aux objets sans facture je n'ai aucun moyen de les retrouver légalement !
filtre et raccords
ma jolie table en bois trouvée sur la route
Dès le 3 janvier 2008, l'accès au jardin est cadenassé et je suis pénalement reponsable si j'en force l'entrée ! J'y descends pourtant à pied à 2 reprises dont une pour tailler les rosiers délaissés (ce qui sera consigné par les gendarmes !).
Apparemment quelqu'un rend compte de mes faits et gestes à Vincent lorsque je suis sur le terrain ; quelqu'un qui ne se montre pas et que je ne peux voir. Je questionne les voisins et Denis : tous les deux nient (ha! ha!) .
une ruche pleine (et d'autres vides )
CHAPITRE 9
Pour me "défendre" et tenter de récupérer tout ou partie de ces biens confisqués, je prends contact avec une avocate et répertorie soigneusement le détail des matériels et factures correspondantes : tâche ingrate et ô combien douloureuse pour me ramener sans cesse à une réalité hélas misérable !
Entretemps et suite à mon intervention accompagnée d'un ami pacifique, j'ai pu me faire restituer quelques affaires au domicile de Vincent... qui, non content de nier qu'il en détient bien d'autres, me glisse dans le lot un de mes cadeaux dédicacé en 2005, que je ne lui ai jamais réclamé et auquel il a ajouté un commentaire blessant, histoire de'enfoncer le clou ! C'est pour tout ça que je le quitte, son incapacité à reconnaître ses torts et cette obsitnation à vouloir avoir raison à tout prix, au mépris de tout respect et compassion.
Comme lorsqu'il m'apprend être en train d'arracher mes 400 pieds d'osier... soit-disant pour "faire de la place", en fait pour détruire une oseraie de 3 ans en sachant combien elle me tient à coeur !!! Moi qui lui ai laissé mes plants et mes arbres intacts pour qu'ils puissent au moins vivre, même privés de ma présence !
J'ai honte pour lui. Et je suis renversée de chagrin... Prévoyante, j'ai gardé des boutures en pot, mais je n'ai toujours pas de jardin où les planter ! Et quoiqu'il en soit, je devrais attendre au moins 2 ans de plus avant de pouvoir en faire queqlue chose...
Avec le dernier osier coupé, j'ai encadré la réalisation de ma première "cabane à ciel ouvert", un hexagone végétal vivant visible chez Sharon et Alex. Il pleuvait beaucoup ce jour d'avril à 8° mais le résultat est là !
Vous comprenez maintenant pourquoi j'ai besoin de mon osier ?? !!!
Tant d'acharnement haineux allié à la crainte de me voir trop "occupée" par cette histoire plus l'apparente difficulté à faire reconnaître l'entièreté de mes droits par un tribunal, je décide d'arrêter toute procédure... Nous sommes le matin du 14 avril 2008. Ce même jour vers midi, je reçois un courriel de Vincent me proposant "d'en rester là" sans plus de réclamations de part et d'autre.
Même si j'y laisse bien trop de plumes, je préfère lâcher prise...
CHAPITRE 10
Après ses deux courriers officiels m'appelant "Madame" et me vouvoyant, me voici à nouveau tutoyée et nommée. Le ton a changé lui aussi passant du "je vous interdis ainsi qu'à votre famille et amis de venir sur mon terrain (la taraillette)" ou "j'espère ne plus jamais vous croiser" à "je n'ai jamais voulu être en guerre"...