58 ! Tournoyant autour du plafonnier, 58 mouches m’attendaient dans ma chambre hier soir. J’étais armée, renflouée l’après-midi même en tapettes dernier cri après la mise à mort quasi simultanée (obsolescence programmée ?) des deux dernières achetées au printemps. Hors la gym afférente aux déplacements intempestifs du volatile, je me suis franchement fait plaisir. Loin d’envier la raquette électrique destinée à l’usage nonchalant du chasseur vieillissant, j’ai porté chaque coup avec la satisfaction du justicier sans âme. En l’espace d’un quart d’heure, près de 60 cadavres s’amoncelaient sur l’aiguilleté recouvrant le sol de ma minuscule chambrée. Une dernière résistante me titillant à l’heure d’une lecture réparatrice sur l’oreiller, il m’a fallu conclure malgré l’estime suscitée par ses audaces. Non mais !

Le temps est au beau (33 ° en plein feu !) et j’ouvre donc en grand mes fenêtres… Résultat mitigé puisque j’héberge ainsi les insectes en mal de chauffage. Le seul désirable, un grillon dont j’écouterais le chant nocturne avec délectation, me boude ostensiblement. Les autres s’octroient des familiarités insupportables (rase-motte à toute peau, stationnement sur l’écran, visite du clavier et j’en passe) donc intolérables, tantpis pour elles !

En attendant, ma petite maison s’éloigne de moi.  A force d’en voir et d’y croire, je ne sais plus où je vais. Besoin de me recadrer loin du tumulte solitaire. Un jour oui, un jour non et la trouille de prendre une décision. Alors basta, je me calme en regardant le ciel tourner ses couleurs en faisant naître une étoile.

Visité samedi une petite maison dans mes prix à 2 pas d’Alès et dans un village soigné ;  plein de raisons pour y habiter (proximité des activités culturelles, de R. et des petits-enfants, moins de route pour la plupart de mes trajets), comme plein d’autres pour y renoncer (perte du travail et du réseau amical local, perte du jardin). La maison, petite et  coquette, est aménagée judicieusement, avec confort et goût. Points faibles : l’exposition nord-est. Point fort : l’espace «véranda cour-couverte » chauffé.

Double tranchant : la proximité de l’église (-cloche toutes les heures sauf la nuit + peu de circulation et vue sur platane).

Question : Et après ?

Si je déménage, je pense investir l’espace le plus lumineux la plupart du temps ; les autres pièces me serviront d’abri cocooning, où je serai ravie de me lover dans une douce chaleur centrale thermostatique alimentée au gaz de ville, une réalité que j’ignore depuis 22 ans, où je décidai de quitter Nîmes pour les Cévennes. Et tout ça pour l’même prix oui madame !

J’imagine déjà rentrer d’une escapade à vélo et, au lieu de me précipiter dans la salle d’eau à 13° pour y mettre en route le soufflant tout en condamnant les pièces  inoccupées et boostant les radiants utiles avant d’enfiler une petite laine…oui j’imagine déjà le plaisir intense du retour dans l’atmosphère sereine et enveloppante du confort programmé toujours et partout à 20 ° (minimum), la liberté de se croire nue en toutes saisons (et sans vis-à-vis autre que des toits).

Et voilà que je  fais ma Pierrette (celle du pot au lait), comme si l’affaire était dans le sac ; comme si le simple fait de changer d’horizon, de bousculer mes acquis sans préméditation, d’aller là où je ne pensais jamais venir, comme si tout cela devait suffire ! Et si c’était vrai ???....

Pour rejoindre Salt, j’ai d’abord fait halte à Montpellier, le temps d’une indigestion carabinée suite à ma première dégustation d’écrevisses en dépit de l’attention de mes hôtes à mon égard. Après une mauvaise nuit, j’ai repris le volant pour la destination espagnole en cueillant au passage Adrian, par le biais du covoiturage. Bien m’en a pris puisque, tenue éveillée par un autre passionné de bonne musique, je n’ai  pas vu le temps passer ! En outre, il est pratique d’être accompagnée d’un espagnol quand on voyage dans le pays du natif sans en parler ni comprendre un mot. Ainsi quand, au moment de reprendr du carburant, je restais interdite devant l'automate qui me demandait de rentrer des chiffres correspondant à une somme en euros avant de composer mon code bancaire... et qu'il s'agissait seulement d'inscrire le montant choisi à dépenser (comme du temps où nos parents disaient au pompiste "De l'essence pour 30 francs s'il vous plait").  Comme aussi quand, le coût du plein se révélant  bien au-dessous du chiffre annoncé (pour cause d'essence moins chère qu'en France), je me précipitai vers mon passager pour savoir ce qui m’avait précisément été débité (la réalité ou l’espérance ?). Après m’avoir rassurée sur l’honnêteté de la pompe (mais alors pourquoi em…er les gens avec un pronostic ?), il m’a ensuite gentiment guidé avec son gps espagnol (le mien ayant subitement décidé qu’il ne passait pas la frontière) jusqu’à l’adresse où j’étais attendue. Et tout ça en anglais, notre langage commun.

Là, sous un beau soleil, nous nous somme salués souriants et chacun est reparti vers son destin. Le mien s’appelait Julio et m’offrait (moyennant paiement) le gîte au second étage d’un grand immeuble, entouré d’autres grands immeubles où les plantes vertes se bousculent sur la majorité des balcons.

Mon hôte espagnol, outre qu’il parlait un français très correct, était par ailleurs charmant et son hospitalité attentive adaptée à mon état second à la recherche d’une sieste au calme avant de repartir pour de nouvelles aventures !

 

 L’automne tardant à s’installer, j’aime ouvrir ma fenêtre le soir pour entendre le chant du grilon qui a élu domicile dans la plate-bande d’iris que j'installai, il y a 5 ans, dans la cour-garage de la résidence. A l’écoute de cette régulière stridulation, je m’endors bienheureuse, bercée et apaisée. Hier matin pourtant, brutalement réveillée  vers 8H00 par le ronflement persistant d’un moteur, j’invectivais silencieusement notre voisin le plus proche (le seul propriétaire individuel du lieu), coutumier du fait… jusqu’à ce que j’aperçoive le fauteur de troubles. Tandis qu'il oeuvrait sans vergogne au débroussaillage thermique des 3 ridicules parterres bornant notre immeuble, j’eus à peine le temps de me retourner que mes pauvres iris s’étaient transformés en deux petits tas de feuilles déchiquetées, destinées à rejoindre la collecte des déchets verts.

L’émotion mêlée d’une juste indignation, je me drapai d’un KW sur mon pyjama pour aller dire calmement mais clairement mon fait au responsable de ce massacre, me privant d’un plaisir attendu.

Le sieur, prétendu jardinier, finit par s’excuser, justifiant son geste radical par la nécessité de «faire propre», comme si les plantes étaient, au même titre que la poussière, gênantes pour la santé. Prendre une cisaille pour laisser une  1/2 hauteur des feuilles fraiches (sachant que le rhizome y puise ses réserves) lui aurait demandé 10 minutes. Si en outre, il avait ensuite manuellement désherbé les pieds (liseron) puis débarrassé ceux-ci des feuilles fanées,  il aurait mis 30 minutes de plus. Et aurait rempli son noble rôle de jardinier.  Au lieu de quoi, il a choisi la facilité, le tape à l’œil (car d’autres résidents sont ravis qu’enfin « ça fasse propre»), se réduisant à un technicien de surface sans etat d'âme ni discernement.

Ignore t-il encore la beauté des fleurs ?

Rien ! Les fers à bétons plantés dans la terre pour tuteurer mes tomates restent  ventousés à leur base. J’ahane, les balance, reprend la pioche pour creuser un peu plus en profondeur le trou déjà haut de 20 cm, je force comme une damnée en poussant des rugissements, ventre serré et pieds arc-boutés, sans succès. L’argile les retient malgré moi.

Depuis 2 ans que Pierre m’a prêté ce lopin aride que j’amende peu à peu, jamais une terre ne m’a fait tant pester ! La plupart de mes plants ne s’y retrouvent pas, tentant de tracer en surface faute de pouvoir percer la marne. Seules, fraises et salades, peu gourmandes en racines, s’en contentent. Groseilliers et mûrier donnent là où les framboisiers renâclent. Il faut dire que le soleil n’arrive qu’à midi et qu’un bassin jouxtant mon carré, je me débats entre la pierre et l’eau pour faire pousser fleurs et fruits.

Parfois ras le bol, même si au printemps, l’espoir renaît souvent :