posté le 08-07-2013 à 22:03:30

Sortie

Après avoir repoussé ce moment deux jours de suite, j’ai fini par m’y soumettre. D’impérieux motifs ont gagné : curiosité et chaleur réunies, sensation d’enfermement ou besoin d’un mouvement autre que celui de mes bras modelant et tressant, de mes cuisses enserrant et fixant, de mon corps trop longtemps ramassé sur l’œuvre en devenir, de mon « travail » jamais au repos – comme dirait Marilyn lorsque je lui annonçai le contenu de mes prochaines « vacances », en fait une autre façon de travailler... pour toujours innover, progresser, ou simplement exister !

Je ne connaissais pas bien le chemin pour m’y rendre, alors, lorsque j’ai croisé Karen sur la route, je me le suis fait confirmer. J’avais un repère visuel d’une escapade hivernale incomplète et prometteuse. Mais jamais par ce bout là. Quelques tatonnements, un peu de patience et beaucoup de crapahutage au travers des rochers m’y conduisirent enfin. Une trouée dans le déval de la rivière, un replat arrosé de courtes cascades mais suffisantes pour s’y raffraîchir avec plaisir. Cependant, un malaise perceptible, déjà ressenti dans le creux de la Taraillette, m’y accompagnait, en réduisant le charme. Sans doute le ciel trop loin et les arbres encerclant ce fond creusaient encore cette impression.

Quelque chose a bougé, attirant mon attention. Sur le rocher, une libellule d’un bleu électrique avançait péniblement. A intervalles réguliers, elle secouait ses quatre ailes devenues opaques qui refusaient désormais de la porter. Elle était en train de mourir. Je la regardai un long moment marcher, frissonner, se renverser, remonter, recommencer sa marche désespérée. Et j’admirai en les encourageant ces efforts constants pour aller jusqu’au bout de la vie, avant de la voir s’immobiliser les ailes fermées, résignée.

Alors, j’ai repensé à ce qui m'avait trotté par la tête toute la journée : « Finir ce que tu commences ». Juste parce qu’en regardant l’allure des pièces nettoyées hier, je ne voyais plus trace du rangement que j’y avais mené. Le constat de ma façon d’être ici avec les objets ; je cherche, fouille,  trouve… et laisse en attente ce qui est déplacé. Au lieu de remettre en place. J’attends et j’occupe le territoire qui s’en trouve transformé, emprunté., faisant ma trace en remplissant l’espace.  Ai-je vraiment besoin de cette habitude pour être vue par moi-même, quand je m’applique chez autrui à ce que rien ne dépasse ? Ranger immédiatement ce que je dérange, terminer le geste commencé ne me contraindrait–il pas à faire un choix plus draconien de mes priorités ? Sans doute est-ce parce que je n’aime pas choisir que j’agis ainsi…

L’orage gronde, tonne, éclate sous un ciel noir, l’eau ruisselle : je me sens bien.

 

 

 


Commentaires

 

1. HélèneM  le 12-07-2013 à 21:00:50

J'ai la même conception du non-rangement...Et curieusement ça me sécurise d'avoir les choses en désordre autour de moi...

 
 
 
posté le 07-07-2013 à 10:33:35

L’été


La chaleur m’a surpris en sortant vers 17h pour aller écouter la promenade chantante des choristes et musiciens locaux fêtant leur 20ème anniversaire solidaire. Sur la place, des jeux et des gens, quelques motards, une scène jouant un tango sur lequel un couple de danseurs se meut, langoureux : une belle mobilisation pour soutenir les enfants malades, plus spécifiquement atteints d’une maladie rare. Beaucoup de cœur et d’énergie mis au service de cet objectif par un généreux collectif de bénévoles. Eux aussi, ils chantaient pour eux :

 

 

 

Une heureuse découverte aussi qui m’a fait frissonner à son écoute : « In the midst of life » de Henry Purcell, ode funéraire à la reine Mary morte précocement à 30 ans, version choeur (que je préfère à celle des solistes).

Une fois rentrée, je me suis tapie dans la fraîcheur des murs pour retrouver un semblant d’aise. En bas, la fête se prolongeait tard dans la nuit. Une fois encore, la sono réglée pour les sourds (les malentendants auraient déjà fui) me parvenant très nettement à l’heure du sommeil, je décidai de rattraper mon inertie du soir en nettoyant le siphon d’une douche s’écoulant laborieusement depuis quelques semaines… Ratatinée sur le tapis de bain et armée de gants de chirurgien je dévissai, nettoyai puis revissai les 2 syphons avec un élégant et preste doigté qui me ravit le cœur (ma dernière tentative ayant demandé bien plus de contorsions et de manipulations douloureuses et lentes). Que faire maintenant ? Le petit meuble à jouets récupéré sur la poubelle me tend les bras. Après rencollage des jonctions et resserage des boulons, il pourrait officier…si ce n’était sa couleur. Mais le peindre maintenant me semble incompatible avec le picotement insistant dans mes yeux. Il attendra un peu. Et moi, hurlements ou pas, j’irai quand même DORMIR.

 


 
 
posté le 06-07-2013 à 00:30:26

Regain


Parce que nous nous étions découvert, au cours de nos randonnées partagées, la même envie de renouer avec cette occupation, Joëlle et moi nous donnions rendez-vous cette après-midi pour une autre promenade, à cheval cette fois. Sous les pins, 3 chevaux nous attendaient. Cacao me plut tout de suite, jolie robe claire et regard doux sous mes caresses. Pour nous acclimater l’un à l’autre, un petit rituel s’imposait ; étrille, brosse, curetage des sabots avant la pose de la selle et le sanglage. Cela nous prit bien une heure, tranquillement. Surprise, je trouvai l’élan propice pour me hisser sans difficulté et nous voilà partis sur des chemins caillouteux, tantôt montant penchée en avant accrochant sa crinière, tantôt en arrière pour l’aider à descendre. Une ballade de 2 heures, à suivre le corps de l’autre pour au final s’y sentir plus à son aise. Au pas. Le terrain accidenté ne se prêtant guère à d’autres allures sans danger, malgré de courts passages trottés et une esquisse de galop sur la fin du trajet. Un peu frustrant quand à plusieurs reprises, nous longions des pâtures hélas interdites à nos équidés ! Me revient le souvenir d’un galop fou sur une longue plage, arc-boutée comme un jockey sur mes étriers car impossible de s’y tenir autrement, où et quand ? Les chevaux grisés d’iode semblaient incontrôlables ! Et cet autre en Normandie, de clairière en vallon, là où la souplesse du sol ne nous faisait rien craindre. Mes autres rendez-vous équestres, trop monotones, me laissèrent sur ma faim. Celui-ci m’aurait fait le même effet sans le moment des soins, sans l’odeur et la proximité testant nos sympathies. Etonnée de mon plaisir à coller à la bête et de m’y sentir bien, comme quand petite fille je bouchonnais Tartine et Confiture, les chevaux de l’été chez ma grand-mère, comme quand, les ramenant au pré, nous nous amusions à les monter à cru pour quelques foulées glorieuses à qui tiendrait le plus longtemps.

 

 

 

Je rentrais doucement sur la route, comme apaisée, décidée à me laver du suif dans le gour le plus proche. Tout naturellement j’empruntais la petite route des plaines menant à la rivière, là où mes derniers repérages semblaient prometteurs, offrant un peu de sable au milieu des rochers. Par chance, le minuscule parking m’offrait la dernière place à proximité. M’en approchant, le bruit d’un moteur devenait plus perceptible ; l’endroit était occupé, mince ! L’homme casqué maniait sa débroussailleuse en bas d’une maison désormais ouverte. J’avisai une petite place où goûter les derniers rayons, trop avide d’eau pour me laisser distraire. Sa chienne, bergère fine et craintive, vint me saluer puis s’installa quelques minutes à mes côtés. Enfin, le voyant un peu plus loin, je me décidai à plonger dans l’eau délicieusement fraîche. L’autre débroussaillait maintenant tout à côté, apparemment décidé à raccourcir mon séjour sur sa propriété. Tête en arrière, j’immergeais les oreilles pour amortir le bruit, détendue. Le manège dura bien 15 minutes jusqu’à ce qu’enfin, il s’éloigne, de guerre lasse. Quand le calme revint, homme et chien s’étaient volatilisés dans les reflets verts et la douceur du soleil sur ma peau rassasiée.

 


 
 
posté le 03-07-2013 à 22:39:08

Pour elles...

Je deviendrais presque une tigresse, lorsqu'elles manquent à mon rendez-vous quasi-quotidien. Et là, il y allait de trois jours. Trois jours sans les voir et... nada ! D'invisibles doigts s'en étant emparées en mon absence, je fis un rêve carnassier :

 

 

 

 

 

 


Commentaires

 

1. Pictorus  le 04-07-2013 à 10:57:35  (site)

Je t'imagine, tapie sous tes haricots verts, une hache à la main dans la nuit... Cela me fait rigoler cette image! mais je comprends ta colère...
Elles sont superbes! Moi, je n'ai que celles du marché.

2. lataraillettealn  le 06-07-2013 à 07:49:13  (site)

C'est une image qui indique mon état d'esprit lorsque je constate qu'un intrus se joue de mon travail en m'en dérobant le fruit. L'intrusion, le manque de respect m'ulcèrent. Autant, je donne volontiers à qui ne me demande rien, autant de tels comportements m'insurgent !

 
 
 
posté le 30-06-2013 à 00:52:46

Raaarghhh !


Troisième changement de portable en moins d’un an pour toujours la même panne ; j’enrage et fulmine devant le mur d’inertie en face, l’impression odieuse d’être prise en otage parce que même pas certaine que changer de fournisseur m’apportera du mieux ! Le constat amer que désormais pour le moindre service payé, il faut se battre pour le voir rendu. Exemple : le transfert du courrier entreprise à une autre adresse, presque 90 € de coût annuel, payable à l’inscription. Un an plus tard, une douzaine de lettres sont passées « au travers ». Autre cas : retour refusé d’un achat dans une boutique bourgeoise, le lendemain de la veille, produit intact. Ni avoir ni remboursement proposé mais un « Faut voir la directrice » qui ne vient qu’un jour par semaine (sans doute pour ramasser les royalties de son honteux commerce !). Un amas d’impuissances m’épuisant d’ordinaires abus. Trop courants, trop souvent. Je ne veux pas lâcher, mais comme j’en aurais envie parfois !

La diversion arriva avec Sharon, 1 heure plus tard que notre rendez-vous prévu, sans prévenir tandis qu’inquiète j’ameutais déjà Alex et Gaïa, au domicile familial. Cependant que là haut sur Le Mercou où je la croyais perdue, épouse et mère batifolait avec un certain Jessie autour d’un pique-nique maison leursyeux sur l’horizon bleuté des vallées. Evidemment, aucun portable ne répond à cette altitude ! N’empêche qu’en revoyant son charmant sourire, en sentant sur ma joue la douceur de la sienne, j’étais bien incapable de la culpabiliser. Nous sommes partis fissa sur la rivière pour dénicher nos proies cachées. De bien beaux et forts rejets de saule, qu’au bout d’une demi-heure, mon amie fut fort heureuse d’emporter pour construire son «arche de passage» en l’honneur d’un prochain mariage. Et moi qui la menait par là, je lui fis promettre de garder le coin secret, celui où j'attendrai l'hiver pour y faire mes  fagots…

 

 

 


Commentaires

 

1. Pictorus  le 01-07-2013 à 21:04:55  (site)

Toi et ton portable..je me souviens déjà ton courroux il y a quelques semaines!
Cette photo de rivière donne envie d'ailleurs tout proche.... J'y pensais en train de prendre le soleil autour du miroir d'eau, sous la chaleur, en pleine ville, entre bruits des bus et sirènes de police... je rève de grillons de cigales, du bruit du vent dans les arbres, de l'eau fraîche d'une rivière.. un peu à la Delerm, "les autres plaisirs minuscules"...

2. Françoise R  le 03-07-2013 à 03:02:11  (site)

Joli coin .. tu en as une bonne réserve il me semble , de jolis coins .. J'espère que Sharon et toi aurez envie de redonner un concert , j'ai toujours le souvenir de celui , merveilleux , que vous aviez donné , et où vos deux voix s'entremêlaient si bien ..

3. lataraillettealn  le 06-07-2013 à 07:44:41  (site)

Oui, il n'est pas nécessaire d'aller loin pour de belles découvertes ; en l'occurence, après chaque crue la rivière change de visage et forme un nouveau paysage...

 
 
 
 

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