Sylvie m’a ri au nez en m’écoutant parler : « je te promets, j’étais folle, je ne le serai plus ! ». Me croirait-elle incorrigible ???
De 9 à 11 heures, je ne pouvais pas. Occupée à ratiboiser l’herbe de 25 cm sur 150 m2 "and so on" (les allées externes). A la fin dégoulinante de sueur et de projections mêlées (débris d’iinsectes et gastéropodes divers), je ne voyais qu’une issue : elle, la rivière. A midi tapantes, j’ai tout arrêté pour me diriger, toute fatigue dehors, vers le petit oasis de mes rêves. En « bleu » de travail, raide et rêche, prêt à laver. D’autres quidams croisés prenaient la même direction. Aboutis, je repérais mon coin, le long d’un dévers, cascadant à la fraîche. Je m’y trempais onctueusement, d’abord les fesses, puis les reins, puis le dos ; enfin je m’y allongeais tout de go, tête en avant, recto et verso. Grand bien m’en fit. Nettoyée et rincée, la pierre chaude m’accueillit pour une pause languide. Là-bas, grands et petits s’ébrouaient jusqu’à la taille dans une mare d’eau douce. Je n’ai pas voulu les rejoindre, non. Plus loin, le gouffre s’étalait, vide. Je n’y suis pas allé, non plus. Peur du noir, malgré l’envie de nager. « Juste ce que tu peux faire » comme disait Higelin, « le minimum ». C’est déjà ça !
Mon premier geste fut de saisir la citrate de bétaine pour stopper l’indigestion née pendant la nuit. Sans succès. Ce soir encore, après quelques tisanes et un repas léger, mon ventre persiste à se faire lourd et inconfortable. J’ai mis ça sur le dos du vin ; un Côtes du Rhône trop fruité pour être franc. Derrière le Côtes de Blaye, il dénote avec acidité. Sans doute, comme pour bien des choses, mon goût boude t-il la médiocrité. Seul le budget n’en est pas à ma portée, ah ce que l’argent permet !!!
Après avoir repoussé ce moment deux jours de suite, j’ai fini par m’y soumettre. D’impérieux motifs ont gagné : curiosité et chaleur réunies, sensation d’enfermement ou besoin d’un mouvement autre que celui de mes bras modelant et tressant, de mes cuisses enserrant et fixant, de mon corps trop longtemps ramassé sur l’œuvre en devenir, de mon « travail » jamais au repos – comme dirait Marilyn lorsque je lui annonçai le contenu de mes prochaines « vacances », en fait une autre façon de travailler... pour toujours innover, progresser, ou simplement exister !
La chaleur m’a surpris en sortant vers 17h pour aller écouter la promenade chantante des choristes et musiciens locaux fêtant leur 20 anniversaire solidaire. Sur la place, des jeux et des gens, quelques motards, une scène jouant un tango sur lequel un couple de danseurs se meut, langoureux : une belle mobilisation pour soutenir les enfants malades, plus spécifiquement atteints d’une maladie rare. Beaucoup de cœur et d’énergie mis au service de cet objectif par un généreux collectif de bénévoles. Eux aussi, ils chantaient pour eux :
Parce que nous nous étions découvert, au cours de nos randonnées partagées, la même envie de renouer avec cette occupation, Joëlle et moi nous donnions rendez-vous cette après-midi pour une autre promenade, à cheval cette fois. Sous les pins, 3 chevaux nous attendaient. Cacao me plut tout de suite, jolie robe claire et regard doux sous mes caresses. Pour nous acclimater l’un à l’autre, un petit rituel s’imposait ; étrille, brosse, curetage des sabots avant la pose de la selle et le sanglage. Cela nous prit bien une heure, tranquillement. Surprise, je trouvai l’élan propice pour me hisser sans difficulté et nous voilà partis sur des chemins caillouteux, tantôt montant penchée en avant accrochant sa crinière, tantôt en arrière pour l’aider à descendre. Une ballade de 2 heures, à suivre le corps de l’autre pour au final s’y sentir plus à son aise. Au pas. Le terrain accidenté ne se prêtant guère à d’autres allures sans danger, malgré de courts passages trottés et une esquisse de galop sur la fin du trajet. Un peu frustrant quand à plusieurs reprises, nous longions des pâtures hélas interdites à nos équidés ! Me revient le souvenir d’un galop fou sur une longue plage, arc-boutée comme un jockey sur mes étriers car impossible de s’y tenir autrement, où et quand ? Les chevaux grisés d’iode semblaient incontrôlables ! Et cet autre en Normandie, de clairière en vallon, là où la souplesse du sol ne nous faisait rien craindre. Mes autres rendez-vous équestres, trop monotones, me laissèrent sur ma faim. Celui-ci m’aurait fait le même effet sans le moment des soins, sans l’odeur et la proximité testant nos sympathies. Etonnée de mon plaisir à coller à la bête et de m’y sentir bien, comme quand petite fille je bouchonnais Tartine et Confiture, les chevaux de l’été chez ma grand-mère, comme quand, les ramenant au pré, nous nous amusions à les monter à cru pour quelques foulées glorieuses à qui tiendrait le plus longtemps.
Je deviendrais presque une tigresse, lorsqu'elles manquent à mon rendez-vous quasi-quotidien. Et là, il y allait de trois jours. Trois jours sans les voir et... nada ! D'invisibles doigts s'en étant emparées en mon absence, je fis un rêve carnassier :