Une fois la bouche d'aspiration occultée, le bruit s'assourdit déjà, devenant plus supportable. Le montage du bureau que j'ai récupéré, quelques petits meubles déposés m'invitent à une autre présence. Il fait clair et l'espace s'agrandit. Côté nord, une prairie contenant potager et bêtes (poulailler et moutons) débute la montagne, côté sud un balcon sur la cour pour regarder au loin d'autres sommets tout verts.
Ce matin, dans ma petite rue, mes voisins devisaient en nous voyant charger, hésitant entre surprise et indignation comme un membre de leur famille qui s'en irait trop tôt. Je ne suis là que depuis deux ans, mais nous nous sommes habitués l'un à l'autre et, si j'ai mes préférences, je ne me fâche avec personne. Leur intérêt m'a touchée. Pour moi aussi, c'est un petit serrement. Mon vélo rangé dans la cave de ma voisine d'en face lasse de me le voir rentrer dans mon salon, les bavardages occasionnels quand une autre mamy de 88 ans traverse mon jardin pour se rendre au sien, mon bras pour lui faire remonter les escaliers en pente, les échanges de légumes et de fleurs, la bonne humeur pour pallier aux soucis avec R. et J., paysans à la retraite qui parlent toujours de là-bas (à 2 kms dans la montagne) comme de «chez eux», le domaine dont ils furent chassés suite à une vente après 20 ans d'occupation....
J'ai retardé mon départ cependant, le reportant à la fin août, tant que la rivière ici, enfin calme, m'apporte son eau fraîche et revigorante. Cela me laissera aussi le temps de faire ma place plus tranquillement, quelques travaux de rafraichissement étant à prévoir dans ce nouveau logis.
Un autre mode de vie à appréhender aussi ; point de soupe à mixer autour de minuit comme il peut m'arriver ici, ni usage de chasse d'eau ou douche entre 22H et 8H ; notre trio musical, désormais cantonné à St André (2 x 45 minutes de route nocturne pour moi) au lieu de trajets partagés ; la domestication de mon «atelier» parfois bruyant entre coups de marteau et vernissage au pistolet pulvérisateur...
Une autre liberté à inventer pour être rassurée.
C'est surtout quand je marche que mon horizon semble s'élargir. Le paysage en mouvement ne fixe le regard que sur le rythme des pas. Nul moment où s'égarer physiquement et le voyage peut commencer dans ma tête. Sans doute m'est nécessaire cette évasion périodique pour reconstituer mon puzzle intérieur. Au début, je passais du temps à m'arrêter, croquant au crayon ce que mes photos relayaient parfois. J'aimais ces moments sourds, loins de tout empressement, heureux et inquiets à la fois de ce qui serait ensuite.
Dans un tiroir, dorment carnets et pinceaux, tranquillement depuis des ans. Si je m'en sépare, me manqueront-ils ? Je crois que non.
J'ai dit à Alain que peut-être j'irai vivre en Bretagne. « T'en sens-tu capable ? » « N'auras-tu pas peur ? » furent ses questions. « De quoi ? » répondai-je. « De ne connaître personne, d'avoir tout à refaire... ». « Au contraire, il me semble que j'en ai besoin ! »
« Oui, toi, tu en es capable » m'assène t-il tout à coup. Je sais qu'il a raison : l'excitation d'une nouvelle aventure me donne des ailes. J'aime découvrir et défier. Ensuite, j'ai toujours peur de m'endormir...
1. marcapied le 08-07-2011 à 15:13:29 (site)
Savoir voyager seul dans sa tête est un privilège que je partage aussi.
La marche est mon meilleur exutoir.
Bonne journée.
3. lejardindhelene le 09-07-2011 à 11:28:15 (site)
On dirait que les valises se trémoussent d'envie...
4. Philémon le 10-07-2011 à 22:28:54 (site)
Quitter les Cévennes pour la Bretagne, ça se fait
Et ça marche !
Il y a sans doute les m^mes ondes telluriques qui remontent à la surface, et la même rudesse...
Comme dirait David quand il solde ses victuailles sur le marché de St Jean. En l'occurence, par un jour gris et venteux, j'ai mis le nez dans la cave... Mes paquets d'osier 2007 y trainaient encore, encombrant mon espace physique et mental. MON osier, celui que j'avais cultivé durant 3 ans sur cette « taraillette » investie à 2. Celui qu'il m'a ensuite arraché sans vergogne, presque en riant à me le dire. Celui que j'efface désormais pour libérer ma mémoire et formater le dique dur... Je n'en ai rien fait ou presque, déformé qu'il était par un stockage inaproprié, mais le savoir à mes côtés semblait me rassurer pour le cas où (entre le jardin et la déco, j'aurais bien une idée un jour....). Là, ne sachant encore où je vais, je continue pourtant de faire le vide. Me dégager de possessions lascives m'aère l'esprit. Dans ma tête, je ne voudrais garder que mon atelier... et ma chambre. Bien sûr, un espace cuisine, une table pour les amis. Le jardin à côté, évidemment !
Ne m'entourer que de ce que je suis au quotidien : peu de choses. La beauté des objets, d'un intérieur harmonieux me captivent avant de me capturer ; je l'apprécie chez autrui si je ne peux m'en entourer. Dans l'urgence, je fais parfois de fausses acquisitions, pour me dépanner. J'aimerais mieux réfléchir, inventer encore (quel plaisir !) l'aménagement de mes besoins. Commencer par là : quels sont-ils, au fait ?
1. lejardindhelene le 08-07-2011 à 07:48:37 (site)
Oui, à un moment , le tri des objets aide au tri dans sa tête et à se libérer de vieilles énergies...Ce jour là ,on peut vraiment recommencer ;-)
2. lataraillettealn le 08-07-2011 à 09:26:17 (site)
C'est le côté positif des déménagements fréquents. Pour l'heure, si je n'ai encore fait le choix d'un logement, ce tri m'y aidera sans doute....
Sans doute est- celui-là, un peu plus à l'abri de la route, que j'aurais dû prendre ! Mais, il y avait une moins belle vue, plus de travail en entrant, et puis, il me fallait décider vite...
Rentrée d'une semaine de rando en Gascogne (avec diverses dégustations gourmandes dont celle d'un Armagnac de 1972 que j'ai tout de suite préféré aux plus récents...), je fus projetée dès le lendemain dans la signature d'un engagement qui devait être rapide (vu le marché de l'offre locative !). Aujourd'hui, je suis retournée à des heures différentes dans ce futur logis, non sans avoir appelé l'office gardois pour leur demander si «l'autre» était encore disponible, au cas où... Mais non, il va être occupé lui aussi...
Le matin semble plus bruyant que le soir où une douce clarté et quelques voix de la cour d'en bas se mêlent au chant des cigales. J'ai donc commencé à nettoyer la seule chambre au nord (côté route) où je stockerai tous mes cartons, à déballer au fur et à mesure des besoins. Le soleil y arrive le matin et l'on devrait y entendre le chant des grillons, la nuit, car elle donne sur une belle prairie, derrière la route ! J'y posterai un fauteuil pour les écouter quand le calme y sera...
Voyons : escabot, grosse éponge, alcool à brûler, gants de ménage, «truc rouge» (tu sais, le miracle autolavant !). Je repasse, maniaque, derrière la saleté laissée par les occupants précédents, moins conscienscieux que moi. C'est aussi ma manière de m'imprégner du lieu, de me l'apprivoiser en laissant libre cours à mon imagination résidente... Un exercice toujours utile, qui, s'il ne fait disparaître les défauts, permet parfois de les contourner ou en diminuer l'impact.
Comme j'avais besoin d'un marchepied pour peaufiner mon travail, j'ai sonné chez Mme G, une petite femme brune et moustachue portant bien son nom car semblant huilée à la brillantine de la tête aux pieds. Elle a dû me regarder dans don viseur avant de faire deux tours de clé pour m'ouvrir, mais non « elle n'avait pas d'escabot ». Les autres portes sont restées fermées faute de présents. Il était environ cinq heures.
J'ai continué mon lavage à l'eau froide puis me suis rappelé que « Youpi, c'est jeudi ! », mon tabac-presse favori était ouvert (dans notre village, tout est fermé le mercredi, jour des enfants !). Comme il était prés de 19 heures, je me suis dépéchée pour atteindre mon fournisseur de «Fine 120 menthol stp»,, qu'elle va chercher dans l'arrière-boutique, que je suis seule à demander depuis 26 mois et qui furent à force d'endurance commandés exprés pour ma pomme... Au moins, j'ai l'avantage de paquets indemnes de dessins obscènes au vu de leur vétusté !
Là, je n'avais pas les sous et lui ai demandé de payer plus tard. Comme elle ne faisait aucune objection etm'accordai ce droit facilement, je lui suggérai plus de mesure dans ses réponse comme « OUI, pour cette fois ! » ou encore mieux « Oui, je te fais confiance ». Et de là nous partîmes à discuter... sur la confiance mutuelle, puis les répétitions du "Roi Arthur» (où nous chantions toutes deux), la présence nécessaire, le temps à accorder aux visites des (grands) enfants, le choix ... Une autre cliente est arrivée et je me suis éclipsée. Dehors, un gros nounours de chien noir m'accosta avant sa maîtresse, une Geneviève superbe et épanouie (jadis mon élève), m'expliquant haut et fort tous les miracles de ses guérisons. Je la complimentai pour ce résultat, pleine d'une gratitude méfiante pour les croyances «new age» et «up to date» qui en semblaient à l'origine. Notre interprétation de la réalité reste pour moi la source essentielle de nos sentiments heureux et malheureux... cela peut s'appeler différemment selon le raffinement des techniques usées par ceux qui ont compris tout le bénéfice de cet enseignement. Pour moi très peu, mais tant mieux si ça guérit des gens !
Tout en retournant à ma voiture, un jeune homme connu (et néanmois charmant) m'aborde en me tendant le plat de sa main à la verticale, délicatement. Il m'inonde de paroles bienfaisantes avant de m'inviter à venir les rejoindre (Geneviève, Michel, lui et les autes) pour leur petite fête de fin d'année, me répétant à loisir que j'ai beaucoup plu à tout le monde « la dernière fois »... Ce qui me gêne un peu ; en effet, j'appérécie énormément ses compliments mais, ce n'était pas moi !
Je vois sa bouche se rétracter, ses yeux perdre de leur intensité, son torse se détourner avant de sauver l'ardeur désormais ternie par un «Mais elle te ressemble vraiment ! (elle ou moi ??? !». Je lui rappelle donc notre accord pour le prochain déménagement, ce qu'il comprend enfin et me confirme en récidivant son invitation d'une voix éteinte.
Au jardin, framboises, 3 concombres, et mes deux premières tomates m'attendent ... Le rosier qui périclitait ici s'est là mis à fleurir. Je suis heureuse...
1. Françoise R le 03-07-2011 à 12:42:02 (site)
Alors , quand déménage-tu ? veux tu de l'aide un de ces quatre matins ? bises F
La photo est ABSOLUMENT MAGNIFIQUE , est-ce la vue de ta nouvelle fenêtre ?
2. luside le 03-07-2011 à 13:48:48
Chère Franoise !
La photo a été prise à Lectour en Gascogne. Ce toît est celui d'une ancienne tannerie royale, d'où sa délicatesse...
Quant à mon déménagement... j'en saurai plus la semaine prochaine au vu des derniers évènements venus et à venir. Pour l'instant, les bras m'en tombent un peu, mais je te tiens au courant promis !
Bises
«Couchée tard, levée matin, c'est pas ça qui fait du bien... » ; pourtant gaillarde en me rendant voir Monsieur M au seuil de mon futur logis pour l'état d'entrée dans les lieux, je fus prise de panique dans l'instant où, laissée seule avec mes clés, j'en découvrais les défauts. D'abord en ouvrant les fenêtres : côté route où le trafic s'entend évidemment, mais côté cour aussi là où je ne l'attendais plus. Par dessus, je percevais ce vrombissement sourd qui semblait issu des murs plus spécialement de l'entrée, la salle d'eau et la cuisine. Puis l'odeur... d'égoût, dégoutante persistant malgré l'aération. Toutes choses qu'au lieu de considérer calmement, je trouvais immédiatement repoussantes, me nouant la gorge et les yeux jusqu'à la nausée en me sentant piégée.
J'ai appelé Henny au secours et sa capacité à me recevoir calmement m'a redonnée du chien. Visité mon médecin du travail (je l'aime bien ; il me fait penser à mon beau-frère et écrit avec un stylo plume à l'encre fushia ou violette !), puis filé sur Alès pour l'achat de 3 radiants d'occasion, pour pallier les convecteurs marrons d'origine.
En passant devant une officine médicale, j'aperçois des cartons et m'arrête : un charmant jeune homme me redonnera sourire au coeur par sa prévenance à satisfaire mon besoin de contenants. Un peu plus loin, je stoppe au déstockeur brico, une adresse coutumière de mes déménagements. Regard sur l'aiguilleté puis direction lino où, là aussi, un jeune homme pourtant bien occupé prend la peine de me saluer trés courtoisement. Je lui rends, ,son bonjour d'une voix d'aéroport et me remets à sourire. Merci messieurs pour votre attention du jour !
Puis détour au logis en y testant l'humeur du soir : moins de bruit côté fenêtres, mais un sifflement dans le séjour apparemment lié aux raffales de vent, toujours ces vibrations, mais la lumière, mais le ciel... Dessous, les bruits remontent ; claquements de porte; chaises tirées que, depuis si longtemps, j'avais oubliés !!!
Je me promène pour savoir comment aménager, où supporter le moins... M'imaginant posée là comme entre deux rives, à nouveau, moi qui cherchais l'absolu, l'étape quasi-ultime d'où seul l'indicible aurait pu me sortir ! Mais la réalité me rattrape ; le choix m'est restreint et seul assez d'argent me permettrait de faire la difficile ! Hier, visite d'un petit paradis chez un de nos choristes, anciennement architecte parisien, reconverti en hôte d'accueil avec son ami « psy ».
Ils sont si gentils et généreux tous deux que mon envie n'a pas lieu d'être... sauf que je me maudis parfois de tant de disparités financières entre les uns et les autres, dans une soi-disant démocratie !
Et puis, la solitude me pèse dans ces moments là ; avec qui partager mes angoisses aussi féroces que mes enthousiasmes ? Avec qui dénouer en un grand rire absurde mes sous si quotidiens ? !!!
Ne dites rien, je vous ai au moins...
1. lejardindhelene le 29-06-2011 à 22:34:26 (site)
La colocation peut-être ?...
3. lejardindhelene le 29-06-2011 à 23:57:43 (site)
Mais je ne pensais pas à moi car pas la région où j'envisage de m'installer, même si j'aime beaucoup....Mais pour avoir une maison telle que tu la désires, avec le problème financier et sans souffrir de la solitude, ça peut être la solution , non ? Une ( ou un ) bonne colocataire dans une maison assez grande pour que chacun son indépendance...Chez les jeunes , ça marche super bien alors pourquoi pas après?...
4. Françoise R le 30-06-2011 à 17:18:27 (site)
aïe ! j'espérais que tu nous en reparlerais de ce futur Eden d'appartement ... Est-ce que tu t'es déjà engagée ? Bises F
5. luside le 01-07-2011 à 14:49:25
Eh oui ! Et je viens de découvrir que ce qui me gêne le plus c'est la vibration d'une soufflerie apparemment installée sur le toît pour ventiler les appartements.... Un remake de St Jean ou j'ai supporté celle du restaurant l'été pendant des années... à bout de nerfs !
6. les cafards le 09-07-2011 à 10:56:18 (site)
on a reconnu une chanson de Malicorne. Bizzz des cafards
Commentaires
1. Françoise R le 15-07-2011 à 12:19:43 (site)
J'espère que tu te plairas dans le nouvel endroit , alors ! moi je mets souvent longtemps à apprivoiser une maison ... pour celle que nous habitons en ce moment , ça m'a bien pris deux ans ... en tout cas , j'ai pu fantasmer avec toi l'autre jour sur les charmes de la Bretagne , mais si tu pars un jour là bas tu vas nous manquer ici ... Bises F
2. luside le 15-07-2011 à 12:53:22
Et ce sera réciproque Françoise ! C'est sans doute ce qui me retient encore ici : amis et famille. Même si la Bretagne m'appelle de plus en plus ; je veux quand même y poser quelques vraies balises avant les valises...
Je me retrouve dans ton "apprivoisement" d'un lieu ; ici, où je suis depuis deux ans, je commençai juste à m'y faire... Là-bas, c'est un autre univers à inventer, mais au moins, je peux y rester ou en partir quand je veux....