Pour un peu j’en lèverais mes manches longues. Tiens, j’ai déjà retiré bottes et chausettes et là, je sens un faisceau de chaleur persister sur ma nuque. Allez hop, je n’en puis plus ; les lunettes s’imposent !
Un jour béni que celui-ci : aucun souffle de brise pour troubler le ciel immensément bleu, mon feu au jardin démarré dès la première allumette, ses cendres déposées au pied des fruitiers (mûriers, groseilliers, kiwai), le désherbage achevé d’une plate-bande frontière (12m x 2m), toute en fleurs pour le message suivant : « Vous êtes chez moi, respirez donc le parfum des roses et réjouissez vous des couleurs… ».
Oui, ce jardin m’amène et me repose… en hiver. En réalité, je le préfère en mi-saison, là où j’entretiens, nettoie, taille puis sème et plante. Pour la joie de le voir grandir et celle d’observer, intervenant à bon escient. La terre me donne ce sentiment d’être au rythme du temps choisi ; celui de l’action, celui de l’espoir, celui des erreurs à éviter, celui des gestes justs et appropriés.
Quand les récoltes arrivent, il fait trop chaud… et j’y aperçois comme une prémisse de l’hiver…presque déçue !
A chaque été, devant l’ampleur de la tâche, je me décourage un peu. Et puis là, je me dis qu’avec Sébastien, mon petit-fils, j’ai quelque chose à partager : le goût du temps, le goût de la vie toujours renouvelée. Pour lui donc, je continue, sauvage en quête d’un curieux, intrigué et heureux. Qu’il goûte aux framboises, groseilles, tomates-cerise, se réjouissant du cadeau et le rendant précieux.
Lui montrer ces toiles de rosée tissées au matin, déferlantes, lumineuses… Ouvrir une brèche à l’innocence, me nourrir de ses émerveillements, l’apprivoiser… Alors j’insiste, persiste, au-delà du flou et de l’indéterminé. Pour que ma joie demeure et se communique. Le sens de la vie, simplement.
Vivre en ville – c’est là d’où je viens et retourne quelquefois. Quand je vais chez mon père, j’ y ajoute des fleurs et il me dit son sourire à voir ensuite géraniums et bulbes s’épanouir sur le jardinières. Un peu de douceur ajoutée à sa solitude.
La ville m’attire et me happe : ses lumières, la foule, ses gens, vitrines et culture. Son silence aussi, parfois plus grand qu’ici où tout se cotoie dans un monde prudent, jamais indifférent.
Mais la nature est ma première ressource, un lieu où je peux entourer un arbre de mes bras affamés, sentir combien il m’importe de le toucher, d’être reliée à l’univers vivant quand l’homme me manque ou m’insupporte. Partir et marcher, découvrir là où la porte se ferme, revenir désaltérée, les yeux gavés de toute cette opulence odorante et discrète.
La montagne me guette, immensément riche, la mer me promène dans un éternel ressac. Tout est là, ici et maintenant.
Te rappelles-tu Lulu et nos valses en plein carrefour après le footing matinal ? Le temps joyeux de nos discordes musicales…
Te souviens-tu de lui ; rencontré au hasard d’un ciné, observé dans le bus qui nous y menait, pariant qu’il se destinait au même arrêt, désappointée de le voir descendre trop tôt, riant de le voir arriver essouflé au guichet où tu étais première ? Et ce rendez-vous donné sur le retour, où en retard, tu vis qu’il t’attendait…
Et ton premier amour, à qui tu n’osais dire et lui qui n’osait croire… Entremise d’un ami commun pour une lecture conjointe et timide, avant l’ébauche d’un geste… Ses lettres, parfois plusieurs dans la même journée, quand les vacances nous séparaient. La douceur et le désir toujours interrompus par sa mère vigilante. Ton chagrin en l’aimant enfin, quelques années plus tard, pour une sublime fois que tu savais dernière.
La vie toujours renouvelée et toutes ses peurs accumulées : déceptions ou orages… au fil du temps. Et le sentiment qu’il n’y a rien à faire, juste accepter, et continuer à marcher… debout !
Au moment de la mettre sous enveloppe, j’ai senti mon écriture rétrécir en se raidissant : un signe. J’ai interrompu là le processus de déni d’une réalité certaine. Le silence (toujours plus long que les paroles), l’absence (indéniablement présente), la confusion (ce que je dis, ce que je fais). Tout m’est revenu à la figure brusquement. Alors, non. Je ne suis pas prête, moi non plus, mais pas pour les mêmes raisons. Peut-être plus tard, peut-être… jamais.
Déjà le meilleur me semble plus précieux. Retrouver la nostalgie de ce moment magique, que j’avais cru noyé dans nos récentes distorsions. Espérer m’en accommoder un jour (le plus tôt sera le mieux !) sans autre regret.
Peut-être, à force d’espacer nos attentes, parviendrai-je au bout à le négliger d’un salut vite fait, comme désolé d’exister si peu. Comme j’ai hâte !
Cette fois, c’est Didier vers lequel je m’achemine. Derrière la porte vitrée à laquelle je toque, il est assis dans son canapé, l’air absorbé. « J’écoutais du Maurice André » me déclare t-il avant de m’emmener vers son atelier. Dans cette grande pièce froide, un ancien garage, j’aperçois une fauteuil tapissier en cours de réparation ; cela m’intrigue et je questionne mon hôte. Son fils exerce ce métier, à temps perdu. Le père lui est un ancien fabricant d’orgues, une passion qui s’ajoutait à un métier plus lucratif, pour vivre. C’est de cette époque que datent ses machines à découper et travailler le bois. Ce qui m’amène ici car je suis à la recherche de fonds pour de nouvelles corbeilles, avec une préférence pour le bois brut. Dans le tas réservé au chauffage, je déniche enfin mon rondin d’environ 20 cm de diamètre. Un bois dense et dur, d’au moins 25 ans si je m’en réfère au nombre de ses courbes. De l’accacia ?
La scie à rubans est en marche et j’observe l’opération avec une vigilance soutenue. Il y a quelques mois, Didier a perdu deux bouts de doigts avec cette machine. Les rondins sont épais de 2 cm et il m’en découpe 4 sans problèmes. Au 5ème, la scie se tord dans le bois et tout s’arrête. Un moment d’inattention dont je me sens en partie responsable, ayant interpellé Didier juste avant qu’il ne commence ce mouvement. Un ancien ruban mal réaffuté vient remplacer le premier mais il chauffe trop et noircit le bois. Malgré mon insistance pour qu’il s’arrête là, Didier me découpe deux autres rondelles qu’il me propose ensuite de raboter. Il me montre la différence sur une première et je suis conquise.
Les 6 plots passent au rabot en devenant lisses et plats. Je suis très contente du résultat ! Merci l'ami. Dans 2 mois, je te fais goûter mon vin d'oranges !
D’abord la ballade du côté de St Martin, là où le gardon se fait plus intime et secret : un vallon d’exception, dévoilant ses trésors à nos yeux étonnés. Il y a bien longtemps que je n’étais retournée au Bernadou, en gardant le souvenir d’un lieu particulier.
Du chemin qui s’y rend, je le distingue à nouveau comme pour la première fois. Désert et propet, comme si l’absence n’y existait pas. Un alignement de schistes adossés au rocher, épousant la courbe de l’eau trottinant à ses pieds, une austérité flamboyante, regorgeant de douceurs. Un petit paradis.
Rien que pour lui, ma fatigue et mon malaise s’apaisent. Et mes conversations de dernière (toujours à m’arrêter pour capturer des images) …avec les derniers, cardiaques essoufflés. Qui m’éclairant, sourire aux yeux, de ce moment où croyant passer de la vie à la mort, l’essentiel lui était apparu avec les futilités de son existence …avant.
Qui répondant un sourire à mon souci de le voir peiner quand la troupe marche au pas tête baissée. Et nos chants fredonnés sur la fin du trajet, épars et discrets, parce qu’on se sent bien, détendu enfin, heureux tout simplement. Chacun de nous apporte ce qu’il a de meilleur en remerciant la beauté dont il s’est empli.
Juste le temps de rentrer me doucher longuement pour compenser le froid avant de revenir prendre Hélène, récupérer les oranges commandées à Michel, et repartir ensemble pour notre dernière répétition avant les « vacances ». L’ambiance est à la bonne humeur quand l’odeur des douceurs apportées par chacun attise nos envies. Le « croustet » arrive enfin où notre président propose son foie gras maison (l’histoire de sa recette, ponctuée par nos mimiques, n’avait rien à envier à Fernandel !), le succès de Ruta ayant cuisiné des heures un somptueux dessert lituanien, la pissaladière suave de Françoise, la terrine au saumon de Chantal, le civet de sanglier de Annie, les vins corse, espagnol, de Loire, la cartagène « maison »… La joie d’être ensemble résonne dans nos échanges sérieux ou non. Et en nous quittant, un autre Michel qui m’embrasse en me disant « Ne changes rien surtout » !
2. lataraillettealn le 23-12-2012 à 01:21:30 (site)
Si ces pauvres photos (maudit Lumix !) parviennent à rendre la beauté de cet endroit alors, tu vas être éblouie lorsque je t'y emmènerai !!!
Son bel enthousiasme sitôt retombé semble alors s’émouvoir sur la situation du pauvre petit stand sombre qui serait le mien sans …lui ! Eh voilà qu’il me propose d’examiner la bobine du chose pour mieux cerner l’histoire. « Ben » que j’ lui réponds « J’ai déjà regardé le fusible et il est bon, alors après, si tu veux t’y mettre …c’est pas de refus et ça m’arrangerait plutôt !» «Bien sur le Bon Dieu t’en remerciera …un jour » m’empresse-je d’ajouter. « Pas trop tard alors » marmonne t-il juste assez fort pour que je m’en pénètre… J’en ai de la chance, non ?
Et pis ten, ça m’est venu juste ce soir en rentrant de mon cours, pas forcément drôle, ni triste, juste ce qui voyage à l’intérieur de moi, en trottinant…
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