Pourquoi la vie ? Nous avons tous besoin de nous connaître., de nous reconnaître. J’ai longtemps résisté au désir de donner. Imbue de mon éducation « ne déranges personne », je croyais qu’il ne fallait rien demander. Au contraire ! Demander c’est voir celui à qui tu demandes, le reconnaître, lui insuffler un début de confiance. Bien sur, tu peux être déçue ou trompée, quelquefois. Mais quel plaisir quand l’autre est là où tu l’attends, et même au-delà ! Alors la relation s’entame et avec elle, un nouvel horizon.
Je pars une semaine. En croisant ma voisine d’en face dans l’escalier- une retraitée sexagénaire marchant difficilement-, je lui glisse « j’ai 2 plantes à vous confier », ce à quoi elle se montre réceptive. Le lendemain midi, je vais sonner à sa porte. Je ne la connais guère. Au bout du 3ème coup, j'entends "Qui est-ce ? ». Je la rassure en déclinant mon identité et elle entrouve sa porte. Je distingue des sacs empilés dans son entrée. Je lui reparle de mes plantes. Elle porte juste un long tee-shirt en guise d’habit. Je dis « Je reviendrai en fin d’après midi ». Une amie arrive sur ces entrefaits et je laisse le temps s'écouler, dubitative. Un peu après 18H, ma sonnette retentit. Ma voisine est sur le palier et réclame mes plantes. Dans son entrée, plus aucune trace des sacs pêle-mêle entrevus. Je lui amène mes chéries avec moultes recomandatons. J’e précise que j'y tiens beaucoup car il s’y trouve un cadeau de mon fils pour ma fête des mères (capillaire de Montpellier) et une petite mousse que j’affectionne destinées à ma salle d’eau relookée. Je ne sais pas dans quel état je les retrouverai, mais j’ai envie d’essayer. Cette voisine a envie de parler. On trouvera peut-êtrer un terrain d’entente. L’important est pour moi d’oser demander, pour elle de se sentir responsable. Un bon deal finalement ?
A 600 mètres d'altitude se niche un petit hameau en surplomb, entre pins et châtaigniers. Lieu de passage ancestral entre Provence et Rouergue, il domine fièrement le versant Nord de la montagne de la Fage, dont le calcaire abrupt et pelé côté sud ne laisse rien soupçonner. Une fois franchi La Cadière, baigné par le soleil de la plaine, la petite route sinue le long d’une gorge étroite dont l’eau rare et pure aimante le regard.
Un peu plus haut, le prieuré de St Martin s’ouvre au promeneur d’un jour ou d’une heure ; quelques départs de circuits invitent à la découverte des environs. L’abbaye du XIIe siècle recèle un cimetière sauvage hérissé de quelques stèles penchées, abandonnées aux mouvements du sol où elles furent plantées jadis. Tout autour de l’enceinte, des terrasses en dévers se nettoient peu à peu pour retrouver l’aspect d’antan. Un four ou un cellier révèlent, au détour des pas, une vie organisée en autarcie, dans un environnement particulièrement isolé.
Nous quittons ce lieu paisible pour atteindre Cezas, que j’ai trés envie de découvrir pour en avoir entendu parler avantageusement. Après quelques virages dans l’ombre, la route atteint le pied du village plein sud. De bas en haut, on grimpe sans s’en apercevoir tant le charme et la quiétude des lieux nous attirent plus loin, infailliblement. Ici, un devant de porte où trône une chaise longue, là quelques outils posés sur une pierre dans une jardin à peine retourné, ouvert à tous, le chat blanc et noir qui accompagne l’intrus en glanant une caresse, la partie de pétanque d’où s’échappe un salut de bienvenue à l’égard du promeneur ; un climat confiant et ouvert, précieux.
En montant, le vent disparaît miraculeusement. Il reviendra plus bas dans l’air froid du soir, précipitant la fin d’une ballade appréciée.
Le jour d’après, la Camargue invite à l’observation : entre canaux et étangs, des chemins plats et longs mènent à l’infini. Les pieds dans l’eau, des migrateurs piaillent ou pêchent, comme les hommes qui les voient passer.
Mes jumelles m’ont bien servie cette fois, pour reconnaître échasse ou aigrette, sterne, foulque et tadorne, cormorans ou flamands, toujours remarquables par leur allure à la fois rose et guindée. Un peu plus loin, un nid de cigogne, installé sur un pylône, surplombe son petit monde d’afficionados, pêcheurs et familiers du coin, venus prendre l’air sans frimer sur la pelouse ou une table près du barbecue. Il y a ceux qui vivent aux cabanes aussi, réunis pour l’omelette de Pâques. En plein désert d’eau. Une vie rude, entre chevaux et vachettes, parfois maraichère (pour un champ de courge sous tunnel longeant la piste).
Il y a la mer aussi un saut plus loin, où quelques-unes se baignent et où la plupart jouent, se chauffent, s’allongent ou discutent, marchent en prenant l’air vif de ce début de printemps. Le sable y enfouit mes pieds tandis que je m’y étale pour une sieste emmitouflée, bercée par les vagues…
La nuit, quand tout est noir, il se repose aussi. Moi, je suis saoule. De lui, tout le jour, tentant de m’étourdir ou de m’abattre. Il a soufflé bien fort depuis 2 jours et je ne cesse de le maudire faute de le détourner. Au jardin, j’ai les joues en feu et le corps glacé. Le soleil brille, certes. Mais les rafales gelées du grand Nord nous assaillent sans merci. Les semis et les plants nécessitent toute mon attention ; guetter une courte pause pour épandre la graine ou enfouir le plant, tasser et arroser, et enfin recouvrir d’un peu de bois broyé pour protéger ce que le vent assèche volontiers.
Vu Fabrice hier, revenu sur la réfection du mur écroulé ; un des nombreux chantiers qui l’occupent entre ses autres métiers (comédien, pizzaïolo, alpiniste…) ; j’y avais retrouvé mon cordeau unijambiste. Un peu colère de devoir chercher mes outils chez d’autres et de les récupérer à moitié. Interpellé, il m’a fourni l’autre partie et j’ai pu raccommoder le tout. On a parlé un peu, de la vie, du métier. Surtout lui, qui semble apprécier mon écoute.
J’apprends toujours. Puis, je suis rentrée chez moi fourbue ; cette fois Julie avait nettoyé un peu derrière elle et ça m’a fait plaisir. J’ai quand même pris le temps de repasser partout puis dans la cage d’escalier commune pour effacer les traces blanches. Après je me suis assise puis j’ai appelé Pierre. J’avais besoin d’une bonne douche et ma salle d’eau est en travaux, inutilisable. Pierre m’a reçue gentiment et j’ai pris une douche royale. Pendant qu’il préparait un bon repas, je me suis plongée dans la lecture du dernier « Charlie », dont les articles m’ont intéressée par les points de vue différents qu’ils exposent. Je fermais parfois les yeux en sentant le sommeil me gagner. Et puis la musique a pris le relais. Pierre avait ramené 2 disques de Paris ; on a écouté du blues, dansé sur du rock et chanté « Lil’ darlin’ » de Count Basie. Je n’ai pas fait long feu une fois rentrée !
Ce soir je ne me lave pas (ou presque). Demain, j’ai pris rendez-vous pour une autre douche, avant le repas où je suis invitée par R.
1. corail le 14-11-2018 à 09:16:22 (site)
Le ciel de feu sur Count Basie ... c'était presque trop beau pour moi. Merci Lucide
De Paris à Lille, je n’ai guère eu le temps d’être seule. Même lorsque mon regard s’attardait sur un objet précieux, la présence de leur concepteur, souvent disparu depuis très longtemps, m’occupait toute entière ; comment travaillait-il, avec quels outils, dans quel lieu et pour quelle histoire ? Combien d’heures passées sur un objet devenu bijou ? Pour quel salaire ?
Boutonnerie
A peine troublée par d’autres âmes effleurées au détour d’une vitrine, avec qui partager un sourire ou une remarque complice…
Le reste du temps fut naturellement consacré au plaisir des échanges, amis et famille, autour d’une table vivante ou colorée ; en toute insouscience. Ce n’est qu’une fois installée dans le train du retour que je réalisais le bien-être acquis ces derniers jours, loin de mes préoccupations usuelles. Brusquement, je me voyais prendre une décision longtemps repoussée, planifier sans effort des activités reléguées, trouver les mots et le sens pour m’y attacher.
Revenue, je n’étais pas encore chez moi mais en transit, question pratique puisque sur place (soit à 1 heure de chez moi) pour m’occuper de mon petit-fils comme prévu le lendemain. La halte chez R, où j’étais attendue, adoucissait la rupture du cocon quitté. Je passais une mauvaise nuit, réveillée par une digestion difficile et un lit plus rude que les précédents. Vers 4 heures, le cri des bêtes allant mourir à l’abattoir voisin me rendit impossible toute sérénité.
3 heures plus tard, j’avouai à R. ma nuit difficile entre toutes ces contingences. Nous échangerons désormais nos chambres pour explorer une solution à un problème dont lui ne souffre pas. Ici, c’est le moteur de l’énorme ventilation installée dans les combles qui me trouble insidieusement (un bourdonnement incessant dont je suis saturée). D’autant plus insupportable que je le subis au nom d’une norme collective alors que je n’en ai pas besoin, vivant fenêtres ouvertes.
Bonne nouvelle au moins ; je vais pouvoir commencer les travaux de réfection dans la salle d’eau après passage de l’expert ayant constaté les infiltrations qui décollent la peinture. Ce vilain bleu froid, devrait être remplacé par un délié de magenta. Quand aux WC voisins, je leur destine un orange agrume des plus lumineux.
Pour les plafonds de la chambre et du bureau, dont le crépi se décolle en plaques, il me faudra attendre encore l’intervention du propriétaire responsable du défaut d’isolation à la construction. Je suis rentrée ici en 2011 et tout était bien camouflé, malgré la reprise de 3 plafonds en toile de verre, sans doute endommagés précédemment. J’ai du mal à comprendre cette négligence coupable qui m’oblige aujourd’hui à déménager mes meubles pour une intervention qui aurait pu avoir lieu entre deux locataires !!! Bas calcul et mépris comptant sur la résignation ou la fragilité du locataire « à loyer modéré » ; une idée à courte vue puisque coûtant finalement plus cher (car pour que payent les assurances, « nous » payons les assurances !).
Petit Sébastien a un nouveau lit où il se noie tant il est grand. Sa maman a mis de jolies couleurs sur les murs. C’est plus gai ainsi. Mon petit cœur d’amour m’attendrit toujours autant ; j’aime ses éclats de rire, son intelligence, sa malice, sa délicatesse, ses craintes, sa perspicacité… Sophie fait parait-il quelques pas toute seule désormais et communique de mieux en mieux. Des petites pousses qui germent…
1. Françoise R le 05-04-2015 à 09:07:09 (site)
je me suis émerveillée de ces boutons ... Bravo pour les bons projets et les couleurs !
2. corail le 14-11-2018 à 09:21:57 (site)
Une nuit passée aux cris des bêtes à l'abattoir ... je suis clouée sur place. À bientôt. Ooz
Faire tenir une anse de panier trop courte sans écraser une bordure trop haute, réclamer de l’attention et de la considération comme maman et mamy sans avoir l’air de revendiquer quoi que ce soit d’indû, rester confiante et sereine dans l’adversité, remplacer la culpabilité et la critique par l’observation et l’analyse des faits : j’ai encore du travail !!!
Tiens ce soir, par exemple, où, me pressant à un concert inédit, j’en suis repartie 30 minutes plus tard, faute de me reconnaître dans l’ambiance générale. Les musiciens pourtant valaient le déplacement. Mais la sono ne les suivait pas, brouillant leurs qualités en un amalgame informe, ou effaçant l’un pour hurler l’autre. Un spectacle privé de chaises dans une salle bondée et remuante. Les ombres qui s’amassent devant toi sans souci de ton bien-être. Enfin, ces déhanchements sans grâce sur un air de tango. D’un coup j’ai revu cet endroit où Jo m’avait emmenée, à Tourcoing ; des couples enlacés dans un ballet sensuel et codé, mon plaisir à les regarder et ce qui me manquait ici, l’élégance.
Je suis rentrée pour finir « L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikéa », auquel je préfère nettement « Vieux, râleur et suicidaire ; la vie selon Ove » de Fredérick Backman, mais que j’ai quand même accompagné avec le sourire. Je me dis souvent que j’aimerais bien écrire, comme d’autres choses que j’envisage (reprendre le macramé et l’apprentissage du portugais par exemple) et auxquelles je consacre un temps inversement proportionnel aux revenus que j’en retire. C’est agaçant de devoir privilégier des activités rémunérées (même pauvrement) au détriment d’autres que je n’ai pas le courage de faire en plus, comme tous les gens sérieux et passionnés ; et voilà une bonne occasion de me culpabiliser ! Pas loupée celle là…
Heureusement que Guy et son inébranlable positivisme m’ont effleurée ce matin, à nouveau, durant l’heure de gym préventive qui a presque effacé la tendinite me poursuivant depuis plus d’un mois. Cause : usage trop ardu du sécateur (et ça risque pas de s’arrêter entre la vannerie et le jardin, mes 2 occupations principales…). Bon, mais c’est pas grave puisque je m’offre une semaine de liberté très prochainement, histoire de me dérider du quotidien entre amis et famille à la ville !
1. oozmama le 29-08-2015 à 07:16:39 (site)
"Je me dis souvent que j'aimerais écrire ..."
Mais c'est ce que tu fais depuis au moins le mois de Mai 2008 sur ton blog !
Il me semble que tu as déjà un bon livre, écrit très joliment et orné de somptueuses photos.
édité le 29-08-2015 à 07:19:50
2. oozmama le 29-08-2015 à 13:37:55 (site)
L'astuce ... serait peut être de présenter votre 'journal' tel qu'il se présente sur le VEF, c'est à dire à rebours chronologiquement.
Je veux dire, commencer par "aujourd'hui" et remonter dans le temps, et découvrir sous toute cette vraie lumière le drame personnel que vous avez vécu, qui vous a obligé à puiser l'amour où il se trouve, le provoquer, le construire, l'inventer de toute pièce.
Je ne peux proposer aucune solution pratique chère Luside, mais vous êtes une battante et ce que vous voulez, vous l'obtenez.
édité le 29-08-2015 à 13:46:39
3. luside le 08-09-2015 à 19:20:07 (site)
Merci ; je prends note pour quand je serai vraiment décidée !
Commentaires
1. oozmama le 29-08-2015 à 06:39:36 (site)
Bonjour Luside,
Je viens te lire et regarder tes photos toujours apaisantes.
Merci de la part de Ooz
édité le 29-08-2015 à 06:40:32
2. corail le 14-11-2018 à 09:10:40 (site)
... et les plantes ? ont-elles été bien traitées ? Et la voisine a-t-elle retrouver le goût d'être utile ? Ooz